Isocyanates?
Il existe des dizaines d’isocyanates. C’est pourquoi on parle rarement d’un isocyanate et, qu’en général, on en parle au pluriel.
Les isocyanates sont des hydrocarbures, donc des produits fabriqués à partir de pétrole brut. Ils réagissent facilement avec beaucoup d’autres produits. Cette réactivité s’explique par leur structure, qui compte un ou plusieurs groupes azote-carbone-oxygène (N-C-O) qui se lient facilement à d’autres fonctions chimiques. Cette chaîne linéaire N-C-O est appelée un cyanate, et pour simplifier les choses, les ions qui portent ce groupe fonctionnel sont tous appelés isocyanates. Ils sont catégorisés en général sur base du nombre de groupes N-C-O, ou groupes fonctionnels en jargon chimique. En fonction du nombre de groupes, on parle alors de molécules isocyanates monofonctionnelles (qui sont peu nombreuses), de diisocyanates, de triisocyanates, etc.
Différents types d’isocyanates
Les isocyanates comprennent de nombreux types et formes différentes. Leurs propriétés physiques et chimiques peuvent différer fortement, tout comme leurs caractéristiques toxicologiques et leur comportement, par exemple en surchauffe. Par conséquent, on est loin de tout savoir sur tous les produits finaux commercialisés qui contiennent des isocyanates. Cela dit, il est vrai que de nombreuses études ont été menées au sujet des types les plus courants, parce qu’ils présentent des risques sécuritaires, sanitaires et environnementaux autant pendant leur fabrication que pendant leur utilisation. Il s’agit alors tout d’abord des deux types connus sous les abréviations TDI (toluène de diisocyanate) et MDI (4,4-diisocyanate de diphénylméthane). Bien que le TDI soit le plus volatil (c’est-à-dire que la concentration maximale admissible dans l’air respiratoire est facilement dépassée), c’est le MDI qui est le plus nocif.
Polyuréthane
Même si les isocyanates de composition diverse ont de nombreuses applications, ils sont surtout utilisés dans la production du polyuréthane. Ce processus, en soi, est plutôt simple: il consiste à combiner deux composants (un isocyanate particulier et un autre agent chimique réactif, le plus souvent un alcool complexe). Ce procédé permet de fabriquer des produits d’isolation durables comme des panneaux en polyuréthane. Lorsque ces produits quittent l’usine, la réaction de polymérisation est terminée; le risque qu’ils libèrent des substances dangereuses est donc minimal. Quant à la mousse de polyuréthane destinée par exemple à l’isolation de sols, elle est utilisée par des professionnels qui portent des équipements de protection afin de ne pas être exposés aux substances dégagées lors du séchage. Souvent, l’accès à l’endroit traité sera interdit pendant quelques heures ou quelques jours, jusqu’à ce que la mousse soit durcie. Après, la mousse ne dégagera plus de substances nocives, même lorsqu’elle est coupée ou travaillée.
Des risques sanitaires sévères
Alvéolite
De nombreux travailleurs exposés à des concentrations limitées d’isocyanates ne ressentent aucun effet négatif. Cependant, quelques expositions peuvent suffire aux personnes présentant une hypersensibilité au produit pour développer une alvéolite: une inflammation des poumons qui peut causer des dommages irréparables. Les premiers symptômes se présentent six à huit heures après l’exposition et ressemblent à ceux d’une simple grippe: sensation de fatigue, courbatures, fièvre peu élevée, toux sèche. Normalement, ces symptômes disparaissent après une journée. Dans ces cas, il est extrêmement important d’éviter tout contact ultérieur avec des isocyanates, car si la réaction allergique s’est manifestée une fois, elle se manifestera à coup sûr à chaque reprise.
Asthme professionnel
C’est justement à cause de leur grande réactivité chimique que les isocyanates irritent facilement la peau, les yeux et les voies respiratoires. Dans le cas d’une exposition limitée, ces irritations sont passagères. Mais lorsque l’exposition est prolongée (quelques mois à quelques années) chez une personne présentant une hypersensibilité, cela peut induire une irritation prononcée des voies respiratoire et causer de l’asthme. La personne peut développer une affection sérieuse avec des conséquences permanentes, susceptible d’être reconnue comme maladie professionnelle. En effet, en Occident, l’exposition aux isocyanates est la principale cause d’asthme professionnel. Une fois que ce stade est atteint, le risque de réaction allergique est élevé: la personne concernée souffrira alors d’une hypersensibilité permanente aux isocyanates et le moindre contact suffira pour causer un manque de souffle ou pour déclencher d’autres réactions au niveau de l’appareil respiratoire. Cela s’appelle la potentialisation: le corps réagit de façon très sensible à chaque contact renouvelé, et la réaction se produira plus vite si le corps est exposé à d’autres agents sensibilisants en même temps. Cet état se présente dans le cas d’une exposition à un pic d’isocyanates occasionnel, mais aussi lors d’une exposition prolongée à une concentration peu nocive. Certains travailleurs sont plus sensibles que d’autres et il est impossible de prédire comment quelqu’un réagira. Mais il est certain qu’un travailleur qui réagit mal ne pourra réintégrer son poste de travail.
Irritation de la peau
Le contact avec la peau est aussi une source de risques. Les isocyanates peuvent irriter la peau (rougeurs, eczéma, dessèchement) et même causer des brûlures du troisième degré dans des cas extrêmes. Ce genre de problèmes aigus, tout comme ceux au niveau des poumons et du système respiratoire, se produisent surtout lorsqu’il s’agit d’une fuite accidentelle. Le contact avec la peau peut aussi survenir pendant que la mousse polyuréthane est en train de sécher, risque auquel les bricoleurs pourraient s’exposer. La mousse polyuréthane est disponible en bombes prêtes à l’emploi, souvent utilisées pour isoler les murs creux ou pour effectuer des travaux de calfeutrage. C’est pourquoi les bombes vendues en magasins de bricolage sont généralement accompagnées de gants multicouches résistants aux agents chimiques, qu’il faut toujours porter lorsqu’on utilise de la mousse de polyuréthane.
Cancer
Pour terminer, il n’est pas prouvé que les isocyanates sont cancérigènes; les opinions diffèrent. Mais les autorités européennes considèrent au moins un type d’isocyanates, le TDI mentionné plus haut (utilisé régulièrement pour la fabrication de mousse de polyuréthane, un matériau d’isolation performant), comme potentiellement carcinogène pour le corps humain.
Prévention
Pendant le processus de fabrication du polyuréthane, les substances nocives ne sont libérées que pendant un laps de temps très court: après la polymérisation et l’évaporation des composantes volatiles restantes, le produit à l’état dur n’est plus dangereux pour la santé.
La hiérarchie de prévention doit toujours être suivie afin de maintenir l’exposition sous contrôle. Lors de travaux avec des isocyanates, il est important de prévoir, outre la ventilation, l’aspiration locale et l’isolation du procédé, un équipement de protection de la respiration. Étant donné que les valeurs limites pour les isocyanates sont très basses, une protection respiratoire non autonome indépendant convient le mieux. De plus, il faut protéger la peau avec des vêtements résistants aux agents chimiques et les mains avec des gants appropriés (en caoutchouc butile, caoutchouc fluorocarbone ou multicouches).
Ces consignes ne sont pas d’application pour toute manipulation après durcissement du produit.
Surveillance de la santé?
Médecin du travail
En Belgique, les travailleurs qui travaillent dans des environnements où sont dégagés des isocyanates sont soumis à des contrôles médicaux périodiques effectués par le médecin du travail. Les examens les plus appropriés sont un examen spécifique de la peau ainsi que de l’appareil respiratoire. L’examen d’exposition comporte aussi une analyse pour déterminer la présence de métabolites dans l’urine ou dans le sang. Mais comme cet examen doit tenir compte du profil d’exposition et du moment idéal pour la prise d’échantillons, il ne peut pas être effectué pendant le contrôle médical périodique. L’ensemble des examens permet d’obtenir une image fidèle de l’exposition totale, y compris celle par la peau. Les questions quant aux réactions allergiques peuvent s’avérer très importantes pour le dépistage précoce de problèmes liés à l’exposition aux isocyanates.
Dans le cas d’une exposition aiguë à une concentration très élevée, il peut être important de faire effectuer une radiographie du thorax.
Programme de mesure
Pour évaluer une éventuelle exposition par inhalation, des mesurages peuvent être réalisés dans la zone de respiration des travailleurs. On pourra alors déterminer s’il s’agit d’une exposition contrôlée, ou si des mesures supplémentaires s’imposent en vue de diminuer l’exposition.
Ces mesurages doivent être réalisés conformément aux conditions fixées dans la norme NBN EN 482 et suivant la stratégie reprise dans la norme NBN EN 689. Ils doivent en outre s’effectuer régulièrement.
Les évaluations intermédiaires peuvent se faire à l’aide d’un des dispositifs techniques à résultat immédiat disponibles actuellement. Il peut s’agir soit d’un dispositif qui fonctionne à travers une réaction de décoloration, soit d’un détecteur VOC équipé d’un cadran qui affiche directement la concentration mesurée. Cependant, les deux systèmes ne font qu’indiquer la marge dans laquelle se situe la concentration; ils ne peuvent donc pas être utilisés pour le contrôle régulier de l’exposition aux isocyanates.
Application et mise au rebut
Une fois appliqué, le polyuréthane exposé à des températures élevées peut libérer des substances toxiques (acide cyanhydrique et monoxyde de carbone, deux gaz extrêmement nocifs). Le polyuréthane peut aussi causer des problèmes lors de travaux de démolition, car les décombres contenant de la mousse expansive ne peuvent pas être réutilisés. Dans certains cas, la récupération énergétique peut constituer la meilleure solution. En Europe, certains incinérateurs garantissent une combustion optimale tout en permettant de récupérer l’énergie libérée lors du processus de combustion. Ils sont en outre équipés de filtres pour capter les polluants.
Sources: